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Travail et emploi

Les agences de placement : un modèle d'affaires analysé par le tribunal administratif du travail

Du babillard en ardoise au site Web 2.0, les entreprises de placement de main-d’œuvre ont vécu une évolution fulgurante.

Non seulement elles ont adopté la nouvelle technologie Internet pour améliorer leurs services, mais, dans certains cas, cette technologie a littéralement transformé l’industrie.

Alors qu’elles se consacraient au recrutement, à l’évaluation, à la formation et au placement de la main-d’œuvre, certaines agences qui ont réinventé leurs services pour maintenant n’agir qu’à titre de facilitateur. Véritables babillards des temps modernes, les sites intranet interactifs qu’utilisent certaines de ces nouvelles agences permettent maintenant d’offrir aux chercheurs d’ouvrage (prestataires de services) des opportunités qu’ils auraient eu peine à trouver autrement et ainsi offrir aux donneurs d’ouvrage (clients), une plateforme pour trouver ce dont ils ont besoin.

Entre l’agence de placement traditionnelle et ce nouveau type d’agence, la distinction peut être subtile et les changements ont été rapides, trop rapides pour que les lois et règlements qui s’appliquent à cette industrie se soient aussi rapidement adaptés.

Les disputes juridiques sur le statut des agences de placement, le statut des employés qu’elles recrutent et les clients qu’elles servent sont très fréquentes. En droit du travail, la qualification de chacun de ces intervenants pose des problèmes que les tribunaux judiciaires et administratifs ont tenté de régler à de nombreuses reprises.

Récemment, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (« CNESST ») a cotisé une agence qui offre un service de babillard Web au motif que les revenus des prestataires de services qui utilisent son site intranet devraient faire partie de la masse salariale que l’agence déclare à la CNESST. S’appuyant sur une jurisprudence administrative qui concerne les agences de placement traditionnelles, la CNESST soutenait que ces prestataires de services sont en fait des salariés de l’agence. Pour en arriver à cette conclusion, les juges administratifs ont élaboré une analyse qui utilise les critères de subordination, de contrôle, de formation et d’exclusivité, autrement dit, les critères propres au lien d’emploi traditionnel.

Or, dans l’affaire qui nous intéresse, l’agence exploite un site Web de type intranet qui permet à des clients de publier leurs besoins et de faire connaître les évènements pour lesquels ils cherchent des prestataires de services temporaires. De l’autre côté, tout prestataire qui se qualifie sommairement peut obtenir, gratuitement, un code et un accès au site intranet et ainsi consulter la liste de diverses opportunités offertes dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration (hôtesse, cuisinier, barmaid, barman, préposé, etc.).

Ainsi, un prestataire ayant accès au site intranet peut choisir parmi la liste des opportunités celles pour lesquelles il est intéressé et disponible et ainsi avoir accès aux détails d’une offre de travail d’un client de l’agence. Le prestataire s’inscrit directement à un évènement et reçoit ses consignes et directives du client de l’agence. L’agence ne donne aucun horaire ni n’assujettit le prestataire de services à des directives ou règlements autres que de fournir au client un service adéquat. Un prestataire peut s’inscrire à un nombre indéterminé d’évènements, sans obligation aucune. Pour la très grande majorité, il s’agit d’opportunités qui permettent d’arrondir les fins de mois, sans engagement à long terme. L’agence facture le client pour les services du prestataire et paie celui-ci selon une grille de tarifs prédéterminés.

La Commission des lésions professionnelles (« CLP »), aujourd’hui le Tribunal administratif du travail, a été saisie de la contestation de l’agence qui plaidait que les prestataires de services inscrits à son site n’avaient aucun lien d’emploi avec elle et qu’ils étaient des travailleurs autonomes1.

Dans sa décision qui accueille la contestation de l’agence, la CLP note que l’agence n’intervient pas auprès des prestataires de services et que ces derniers sont libres d’accepter ou non les offres d’emplois, sans avoir à rendre compte à l’agence2. La CLP conclut que les prestataires sont en fait des travailleurs autonomes et qu’ils ne font pas partie de la masse salariale assurable de l’agence. Pour en arriver à cette conclusion, la CLP explique en détail la différence entre le mode de fonctionnement des agences de placement traditionnelles et les agences de type babillard/intranet/Web.

Insatisfaite de cette décision, la CNESST en a demandé la révision auprès du Tribunal administratif du travail. Le Tribunal a jugé que la décision de la CLP est claire et logique et qu’elle n’est entachée d’aucun vice de fond de nature à l’invalider3. Dans les deux décisions, on constate qu’un des critères prépondérants retenus est l’absence de lien de subordination entre l’agence et le prestataire de services. Il est clair que le mode de fonctionnement de l’agence, c’est-à-dire l’utilisation d’un babillard par site intranet, est déterminant dans la qualification juridique du lien entre l’agence et les prestataires de services. Voilà une décision que les agences de placement qui cherchent à se renouveler ou à se moderniser ont avantage à connaître et à bien comprendre. Ajoutons que l’analyse faite par la CLP pourrait avoir un impact sur l’interprétation que font les autorités fiscales du statut des prestataires de services d’une agence.

Alors qu’on se demande si et comment les lois doivent s’adapter aux nouvelles technologies, voilà un exemple des avantages que peuvent tirer les entreprises si elles ont une vision imaginative, audacieuse et moderne du droit.


1 Pour l’agence, le prestataire est un travailleur autonome, il n’est certainement pas son salarié au sens de la loi. Selon l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (RLRQ, c. A-3.001), le travailleur est une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d’un contrat de travail. Le travailleur autonome, lui, travaille pour son propre compte.

2  9270-1879 Québec inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2015 QCCLP 3052 (CanLII);

3 9270-1879 Québec inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2016 QCTAT 3630 (CanLII); 

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