Franchise et distribution
L’affaire Second Cup Ltd c. Café Vasanti et l’interprétation de l'exclusivité en franchisage
En effet, dans le cadre de cette affaire, la Cour a confirmé que les clauses d’exclusivité doivent s’interpréter de manière restrictive, le tout afin d’assurer le respect de la liberté de commerce.
Historique de l’affaire
Second Cup, en tant que franchiseur, conclut un contrat de franchise avec une société appelée Darmel Café inc. (ci-après « Darmel »). Le contrat prévoit que cette entreprise exploitera un café dans un centre commercial sous la bannière Second Cup. C’est l’entreprise 8407304 Canada inc. qui détient, exploite et gère le centre commercial et c’est donc avec celle-ci que Second Cup signe un bail pour la location d’un local dans le centre commercial.
Afin de protéger la marque de commerce ainsi que l’exploitation du café Second Cup, le bail contient une clause d’exclusivité qui prévoit que le locateur ne pourra pas louer ou permette l’exploitation d’un local par une entreprise dont l’activité principale est la vente de café spécialisé ainsi que la vente de boissons à base d’espresso, comme par exemple Starbucks, Tim Horton’s, Dunkin Donuts, Café Dépôt et Van Houtte.
Alors que Darmel opère déjà la bannière Second Cup au centre commercial, le locateur signe un bail avec une société, Café Vasanti (ci-après « Vasanti »), laquelle désire exploiter un restaurant de type « take-out delicatessen » et de style « buffet servant des repas froids et chauds ». La clause d’exclusivité liant Second Cup et le locateur sera par ailleurs mentionnée dans le bail entre Vasanti et le locateur.
Dès que Second Cup apprend l’arrivée de Vasanti au centre commercial, celle-ci soulève ses inquiétudes quant à la protection de sa marque de commerce. Il est important de souligner que dès l’ouverture du restaurant Vasanti, les ventes de Second Cup chutent drastiquement, soit d’environ 25%.
Second Cup entreprend donc des procédures judiciaires, notamment une demande d’injonction, afin de contraindre le locateur à respecter la clause d’exclusivité incluse au bail de location. Les arguments soulevés par Second Cup sont les suivants :
- Vasanti se présente comme un café;
- Vasanti sert du café Seattle’s best et des thés Tazo, qui sont des produits d’une filiale de Starbucks;
- Vasanti vend du café en vrac;
- Vasanti a distribué du café gratuitement à l’ouverture de son commerce.
Conclusions de la Cour
Dans son analyse, la Cour commence par rappeler que les clauses d’exclusivité doivent être interprétées de manière restrictive. Par conséquent, et à la lumière de la formulation choisie par les parties, la clause d’exclusivité n’octroyait une exclusivité que pour la vente de « Specialty coffee» à Second Cup et Darmel.
La Cour est donc d’avis que la clause d’exclusivité n’a pas été enfreinte par le locateur lorsqu’il a conclu un bail avec Vasanti. Tout d’abord, la clause d’exclusivité visait à empêcher la présence d’établissements qui ont l’allure générale d’un Second Cup. En fonction de l’occupation de l’espace, de la décoration ainsi que du design de chacun des commerces, la Cour confirme qu’il n’y a pas violation de la clause sur cet aspect.
Deuxièmement, la clause vise à interdire la présence de commerces dont l’activité principale est la vente de « specialty coffee » ainsi que la vente de boissons à base d’espresso. Il appert qu’en l’espèce, l’activité principale de Vasanti est autre puisque ce café sert aussi des repas chauds et froids et ne sert que 6 variétés de cafés, lesquels sont des cafés filtres et non des boissons à base d’espresso.
Finalement, la clause d’exclusivité ne prévoit pas la définition de « specialty coffee » et il faut donc s’en remettre à la définition usuelle du terme. Comme Vasanti ne sert que 6 variétés de cafés, la Cour arrive à la conclusion que le café n’enfreint pas la clause d’exclusivité.
À la lumière des conclusions de la Cour supérieure dans cette affaire, il est utile de rappeler l’importance de bien définir les notions utilisées dans une telle clause d’exclusivité et d’inclure le plus de détails possibles. En effet, et en procédant de cette façon, il est possible d’éviter une situation comme celle vécue par Second Cup où, par l’insuffisance du contenu d’une clause d’exclusivité, sa marque de commerce ainsi que l’exploitation de son entreprise ont été mis en jeu.
En détaillant et précisant les modalités d’application d’une clause d’exclusivité, il est alors plus facile d’éviter toute ambiguïté dans l’éventualité où un tribunal aurait à l’interpréter de manière restrictive.
1 Second Cup Ltd c. 87012934 Canada inc. (Café Vasanti) 2018 QCCS 2064.