Famille, personnes et successions
Conjoints de fait et enrichissement injustifié : un arrêt important de la Cour d’appel
Or, la Cour d’appel s’est prononcée, le 27 novembre 2020, sur cette affaire et a maintenu ladite condamnation, précisant de façon claire les critères à retenir pour justifier cet octroi.
Rappelons brièvement les faits dans cette affaire. Les parties ont fait vie commune pendant 16 ans et de leur union sont nés 2 enfants. La conjointe occupait un emploi comme salarié au jour de la rencontre des parties, emploi qu’elle a occupé également pendant l’union, jusqu’à ce qu’il soit convenu qu’elle prenne un congé sans solde à des fins familiales pendant 4 ans pour ensuite y retourner à temps partiel. De son côté, le conjoint était également salarié pour une entreprise au début de l’union. Il quittera par la suite cet emploi pour fonder une entreprise avec des associés.
La preuve voulant que ce dernier se soit investi entièrement dans le développement de ses entreprises alors que madame se chargeait seule de toutes les tâches reliées à leur résidence ainsi qu’au soin des enfants.
En 2007, après s’être vu offrir 35 millions pour le rachat de la compagnie, monsieur décide de réduire considérablement ses heures de travail afin de se consacrer à ses propres loisirs et à être un peu plus présent auprès de ses enfants. Madame de son côté, demeure la responsable principale de la maisonnée et des enfants, n’ayant d’ailleurs aucune aide familiale.
En 2012, monsieur encaissera finalement 17 millions de dollars pour la vente de ses actions dans l’entreprise, à la suite de quoi la relation prend fin dans les mois suivants.
Au jour de la présentation de la demande de madame devant le tribunal, les actifs de monsieur sont évalués à 22 millions et cette dernière demande un paiement forfaitaire de 3,5 millions basé sur l’enrichissement injustifié de monsieur, grâce à ses apports dans la coentreprise familiale.
À cet effet, les facteurs pouvant appuyer l’existence d’une réelle coentreprise familiale sont les suivants :
- un effort commun afin d’atteindre des buts communs;
- le degré d’interdépendance et d’intégration économique caractérisant la relation des parties;
- l’intention réelle exprimée par les parties ou découlant de leur conduite;
- la priorité accordée à la famille.
Il est à noter que dans cette situation, les parties n’ont jamais eu de compte bancaire conjoint, leur seul bien détenu conjointement étant la résidence familiale. Le tribunal a toutefois accordé une grande importance à l’intention réelle des parties quant à ce projet de vie commune qui n’était pas uniquement de fonder une famille, mais également de partager les richesses créées ensemble.
Le tribunal retient que l’appauvrissement de madame dans cette situation découle du fait que monsieur a quitté la relation avec une part disproportionnée de la richesse accumulée grâce aux efforts communs des parties, chacune dans leur champ d’activité, alors que les efforts de madame n’ont pas été indemnisés à leur juste valeur.
L’indemnité ainsi octroyée à madame représente 20 % de l’accroissement de la valeur de l’entreprise pendant la période où les efforts de madame ont été disproportionnés, ce qui représente un montant de 2 393 836,51 $.
L’argument soulevé par monsieur indiquant que l’indemnité à être versée à madame ne devrait pas être supérieure à la dépense qu’il aurait dû engager pour des services de nounou ou aide-ménagère a été écarté.
Cet arrêt risque de faire couler à nouveau beaucoup d’encre et risque de permettre dans les prochaines années l’ouverture de plusieurs recours en matière d’enrichissement injustifié entre conjoints de fait.
Pour toute information à ce sujet, n’hésitez pas à communiquer avec un membre de notre équipe de droit de la famille.