Travail et emploi
Meurtre d’un supérieur immédiat suivant la remise d’une sanction disciplinaire - Prévention de la violence au travail
Ce sujet s’imposait de lui-même considérant les protections accrues en matière de violence, y compris de violence conjugale, notamment dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail[1]. De plus, la survenance d’un événement tragique, le 21 mars dernier en Estrie, soit le meurtre d’un supérieur immédiat trois jours après la remise d’une sanction disciplinaire, nous interpellait grandement, réitérant toute l’importance de la prévention de la violence au travail[2].
Selon les informations connues à ce jour[3], le principal suspect serait un ancien employé ayant tenu des propos inquiétants le 18 mars 2021 auprès de la compagnie d’assurance. Il se serait présenté sur son lieu de travail, où il aurait agressé mortellement son supérieur avec une arme blanche[4].
Un tel drame soulève de nombreuses questions. Est-ce que cette agression était prévisible? Si oui, quelles étaient l’évaluation et les mesures de protection liées à ce risque? Quelle était l’ampleur des communications suivant la divulgation par la compagnie d’assurance? Quelles actions ont été prises? Si le danger n’était pas connu du milieu de travail, est-ce que des mesures additionnelles de prévention de la violence auraient pu empêcher un tel drame? L’accès au milieu de travail était-il adéquatement protégé? Est-ce que l’accès a été donné à une personne qui n’était plus à l’emploi? Y avait-il une supervision des déplacements? Quel était le contexte de l’interaction ou de la rencontre où l’agression s’est déroulée?
Nous espérons que les conclusions de l’enquête pourront offrir un éclairage utile à cet égard.
En attendant, nous croyons nécessaire de rappeler l’importance de mettre en place et de tenir à jour des mesures de prévention de la violence au travail, applicables à diverses situations.
D’emblée, il serait opportun de former adéquatement les gestionnaires, employés et autres collaborateurs de l’employeur à l’effet que la loi prévoit qu’un renseignement personnel, même confidentiel, peut être divulgué sans le consentement de la personne concernée, en situation d’urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée (ex. suicide) ou pour prévenir un acte de violence envers une personne ou groupe de personnes identifiable dans un organisme public[5] ou une entreprise privée[6], dès lors que la situation visée par la loi est rencontrée.
Par la même occasion, un rappel par l’employeur de ses mesures en vigueur pour la prévention de la violence pourrait être fait, en réitérant les obligations légales des employés en matière d’identification et d’élimination des risques et quant à la nécessité de prendre des mesures concrètes pour protéger la santé et la sécurité du travail, y compris face aux actes de violence.
Il est aussi recommandé d’avoir une politique de prévention de la violence au travail, avec un protocole d’intervention adapté à votre milieu. En plus de constituer un rappel et de faciliter le travail des gestionnaires, cette politique peut décrire adéquatement les situations où une divulgation est autorisée par la loi pour prévenir un acte de violence, à qui celle-ci doit être faite et comment.
Personne ne devrait avoir à vivre un tel drame ni la crainte de représailles. Ainsi, avec ou sans historique de violence ou risque immédiat, une réflexion dans l’entreprise devrait être portée régulièrement sur les mesures de prévention de la violence, notamment, relativement à la conception des lieux de travail[7] et aux pratiques administratives et de travail[8]. De plus, il y a différents moyens d’accentuer la sécurité d’un gestionnaire lors d’une intervention, ou la remise d’une mesure disciplinaire. Certaines bonnes pratiques peuvent être observées en tout temps[9], alors que d’autres pourraient être appliquées au cas par cas[10].
Enfin, rappelons que les mesures de prévention de la violence au travail doivent être réfléchies en fonction des autres impératifs applicables à ces situations, tels que la confidentialité, la vie privée et les relations de travail, le tout en tenant compte de la situation particulière à chaque cas. Les mesures doivent être conformes à la loi et à l’encadrement contractuel du milieu de travail, considérant tout contrat de travail, convention collective ou autre engagement, le cas échéant.
La prévention des actes de violence est l’affaire de tous. Les employeurs ont un rôle important à jouer, mais à lui seul, la protection est incomplète. La participation de tous les employés et autres intervenants est indispensable.
Pour toute question ou pour tout besoin concernant ce qui précède, vous pouvez communiquer avec notre équipe de droit du travail et de l’emploi.
[1] Paragraphe 16 de l’article 51 (entré en vigueur le 6 octobre 2021).
[2] Voir, notamment, à ce sujet : Radio-Canada, Meurtre à Lac-Mégantic : l’accusé apte à subir son procès : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1876505/meurtre-lac-megantic-mathieu-maheu-dumont-aptitude
[3] Bureau des enquêtes indépendantes, Ministère de la Sécurité publique du Québec : https://www.bei.gouv.qc.ca/actualites/detail/le-bei-annonce-le-declenchement-dune-enquete-a-lac-megantic.html
[4] Ibid.
[5] Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ c A-2.1, articles 59 (2) 4° et 59.1.
[6] Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ c P-39.1, articles 18 (1) 7° et 18.1.
[7] Aménagement, contrôle des accès, obstacles physiques, éclairage, verrouillage, élimination ou protection des endroits isolés, surveillance électronique, etc.
[8] Formation du personnel, politiques, protocole d’intervention, activité de sensibilisation, identification, évaluation et gestion des risques, etc.
[9] Ne pas intervenir seul ni dans un endroit isolé ou lorsqu’il n’y a plus personne dans le milieu de travail, être accompagné par un autre représentant de l’employeur, désescalader le conflit, ne pas tolérer la violence qu’importe sa forme, mettre fin à la rencontre au besoin, raccompagner l’employé jusqu’à la sortie, retirer ou limiter l’accès à un outil de travail ou équipements à risque, aviser le personnel lorsqu’une personne n’est plus à l’emploi (sans élaborer), offrir du soutien à toute personne en détresse, etc.
[10] Selon le cas, tenir la rencontre virtuellement, demander la présence d’un agent de sécurité ou d’un policier, dénoncer à la police tout acte de violence ou menace, etc.