Affaires, commercial et corporatif
La validité des signatures électroniques sur DocuSign confirmée par la Cour du Québec
Compte tenu de la distanciation sociale amenée par la pandémie de COVID-19 au cours des dernières années, l’habitude de signer diverses ententes à distance fut adoptée par plusieurs gestionnaires d’entreprises. Pour ce faire, il vous est probablement arrivé d’utiliser les diverses plateformes de signature électronique, dont l’utilisation s’est multipliée au cours des dernières années tant pour des signatures courantes que pour des signatures de documents légaux.
Or, les tribunaux n’avaient pas encore eu la chance d’analyser profondément la validité de telles signatures… jusqu’à maintenant!
Les faits de la décision
En effet, dans une décision inédite [1], la Cour du Québec confirme la validité de signatures électroniques apposées à un contrat de crédit-bail produit sur la plateforme de signature électronique en ligne DocuSign®. Dans cette affaire, l’entreprise de location d’équipement commercial Bennington Financial Corp. (« Bennington ») réclame 12 000$ au particulier Claude Dufour (« Dufour ») à titre de caution pour son entreprise Le club lounge OriGn (« OriGn »). Dufour, quant à lui, conteste avoir signé un cautionnement.
Afin d’acquérir les équipements nécessaires à l’exploitation d’un restaurant et une boîte de nuit dans le Vieux-Montréal, OriGn conclut un contrat de crédit-bail avec une société qui sera plus tard fusionnée à Bennington. Une des conditions prévues à cette entente est le cautionnement personnel de Dufour, lequel est également convenu entre les parties.
Il est requis de OriGn et Dufour de procéder à la signature des documents par voie de signature électronique, sur la plateforme DocuSign®. Dufour appose sa signature électronique au contrat pour le compte d’OriGn, ainsi qu’à titre de caution de cette dernière. Un partenaire de l’entreprise, Éthier, signe également le contrat comme caution.
Selon Bennington, le cautionnement de Dufour est dûment attesté par sa signature au contrat électronique effectué sur la plateforme DocuSign®. L’entreprise produit à cet effet un « Certificate Of Completion » émis par la plateforme, démontrant que le contrat a été signé à dix endroits par Dufour, et à un emplacement par Éthier. Dufour, quant à lui, soutient que le contrat électronique n’est pas valide.
L’analyse du Tribunal
Le Tribunal, s’appuyant sur des articles du Code civil du Québec[2], conclut toutefois à la validité de l’entente et à la légalité du support électronique utilisé. Le Tribunal rappelle qu’un contrat reproduit sur un support faisant appel aux technologies de l’information est valide s’il est attesté que l’intégrité d’une telle copie n’est pas compromise. Le législateur considère que l’intégrité d’un document est assurée si ce dernier n’est pas altéré et qu’il demeure stable à travers le temps. En outre, la présomption veut que le support utilisé pour contracter, qu’il soit électronique ou non, permette la production de documents intègres. Il revient à celui ou celle qui prétend le contraire de faire la preuve d’une défaillance quelconque.
De l’avis du Tribunal, l’intégrité du contrat électronique est attestée par plusieurs éléments :
- D’abord, le contrat signé électroniquement par Dufour sur DocuSign® est semblable au premier contrat qu’il a signé à la main. Il n’y a donc pas eu d’altération;
- Ensuite, le fait que les deux signatures électroniques proviennent de la même adresse IP ne met pas en doute leur validité. Cela signifie simplement que Dufour et Éthier ont signé le contrat à partir du même ordinateur ou du même appareil électronique;
- De plus, le fait que Dufour ait transmis, lors de l’enquête de crédit préalable au contrat, des renseignements personnels tels que son numéro d’assurance sociale et sa date de naissance indique qu’il avait l’intention de s’engager à titre de caution;
- Enfin, puisqu’OriGn a reçu les équipements commandés et qu’elle a effectué les paiements régulièrement pendant une année, et donc, que le contrat a été exécuté par les parties, il n’est pas vraisemblable de prétendre que le contrat n’a pas été signé et qu’il n’y a pas eu échange de consentement.
Le Tribunal considère donc que les signatures du contrat opérées par Dufour, tant personnellement, que pour OriGn, sont valides et rendent le contrat exécutoire.
Ce qu’il faut en retenir
L’élément clé à retenir de cette décision est le fait que, peu importe le support sur lequel repose l’écrit, si celui-ci est conçu d’une manière à assurer son intégrité et que son intégrité a, dans les faits, été assurée, le document a pleine valeur, et ce, jusqu’à ce qu’il soit prouvé que son intégrité a été atteinte. Cela sera le cas, par exemple, si, après avoir reçu un contrat signé de la partie cocontractante, une personne modifie électroniquement certaines clauses du contrat. L’information contenue au document aura été altérée et, par conséquent, son intégrité n'aura donc pas été assurée. La validité d’un tel document pourra donc être remise en cause.
Avec cette confirmation de la Cour du Québec, il semble que les plateformes de signature électronique, telles que DocuSign®, sont là pour rester, au grand bonheur de plusieurs!
Pour toute autre question concernant la signature de vos ententes commerciales, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en droit des affaires.
[1] Bennington Financial Corp. c. Dufour, 2022 QCCQ 6420
[2] Code civil du Québec, chapitre CCQ-1991, art. 2837-2840.