Litige
La Cour d’appel confirme que les tribunaux québécois sont compétents pour entendre une réclamation basée sur une cyberfraude bancaire internationale
La Société québécoise avait fait l’acquisition d’un équipement de la Société danoise, qui devait être payé en trois versements.
Or, au moment où l’un des versements devient exigible, un courriel semblant être émis par le président de la société danoise demande de changer les coordonnées bancaires et fournit les coordonnées d’un compte bancaire appartenant à un compte ouvert auprès d’une succursale de BNP Paribas, située à Bruxelles, où il demande que soit transféré l’argent du paiement.
Le paiement est effectué par virement bancaire vers ce compte, mais la société danoise ne reçoit pas le paiement. La cour résume ainsi la situation :
[9] (…) Tout indique que des pirates informatiques ont intercepté leurs échanges, puis, en se faisant passer pour un représentant de Teksam, amène L’intimée à transférer des fonds vers un compte bancaire qu’ils contrôlaient.
[10] N’ayant reçu aucun paiement, Teksam avise L’intimée qu’elle entend retenir la machine au port de Montréal en refusant de lui transmettre les documents nécessaires à I‘accomplissement des formalités douanières, et ce, jusqu’à ce qu’elle reçoive la somme lui étant due. Sous protêt, L’intimée transfère a Teksam la somme de 308 433,60 $. Comme elle expliquera dans sa demande introductive d’instance, elle estime avoir été contrainte d’effectuer ce paiement puisque la machine était nécessaire à ses activités.
Une demande introductive d’instance contre les deux parties situées outre-mer est donc entreprise et les appelantes répondent à la demande en soulevant l’incompétence des tribunaux québécois pour entendre le litige.
La Cour d’appel arrive à la conclusion que le préjudice pour lequel l’entreprise PCS cherche à être indemnisée correspond à la perte subie en raison de la cyberfraude, entraînant la Cour d’appel à se demander où le préjudice a été subi.
La Cour conclut ainsi sur la compétence des tribunaux québécois en de telles circonstances :
[25] La Cour est cependant d’avis qu’il y a plutôt lieu de considérer que le préjudice s’est concrétisé lorsque l’intimée a libéré la somme de 357 939,20 $ de manière à en permettre le transfert dans un compte bancaire contrôlé par les malfaiteurs. Il semble plus, logique d’analyser la situation de cette manière, car, du point de vue de l’intimée, son préjudice est devenu réalité dès le moment où elle a été dépossédée de cette somme. L’existence de sa perte n’était aucunement fonction d’une prise de contrôle effective de la somme de 357 939,20 $ par les malfaiteurs.
[26] Lorsque la question est analysée sous cet angle, il devient clair que le lieu de survenance du préjudice que l’intimée allègue avoir subi est le Québec, car tous les faits pertinents s’y sont déroulés : l’intimée y était située lorsqu’elle a été bernée par le courriel frauduleux des malfaiteurs; les fonds à partir desquels la somme de 357 939,20 $ a été transférée étaient situés au Québec; enfin, c’est là qu’a été prise la décision de libérer cette somme afin d’en permettre le transfert en Belgique. Par la manipulation dont elle a été victime en raison de la tromperie orchestrée par les malfaiteurs, l’intimée a, bien malgré elle et contre son gré, posé — au Québec — les gestes par lesquels s’est concrétisé le détournement de ses propres fonds. (…)
Cette décision ouvre certainement la porte aux victimes québécoises de cyberfraude de saisir les tribunaux québécois dans de telles circonstances.
Pour visualiser la décision complète en ligne, veuillez cliquer sur le lien suivant : https://t.soquij.ca/Yt6x7